L’Union européenne fait face depuis plusieurs décennies à des violations de son droit et de ses valeurs. Afin de les faire respecter, divers recours existent et la Charte des droits fondamentaux dispose d’une force contraignante.
Le texte de référence en matière de protection des droits de l’Homme reste cependant la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH), en vigueur depuis 1953. Ce texte contraignant signé par les membres du Conseil de l’Europe assure « la sauvegarde et le développement des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ». La Cour européenne des droits de l’Homme fut ainsi crée afin de sanctionner les violations de ses dispositions.
Néanmoins, l’Union européenne n’a toujours pas adhéré à cette convention.
Ainsi, comment expliquer ce refus de l’Union européenne d’adhérer à la CEDH ?
I) Incompatibilité de la CEDH avec le fonctionnement de l’UE
Depuis le traité de Lisbonne signé en 2007, l’Union européenne bénéficie de la personnalité juridique, ce qui lui permet d’adhérer à des conventions internationales (telles que la CEDH par exemple = ouvre la porte à une adhésion à la CEDH).
C’est au sein de ce même traité qu’il est désormais posé que l’UE « adhère » à la CEDH (article 6 paragraphe 2 du TUE) afin d’avoir « une lecture unifiée des droits fondamentaux ».
– Cependant, à l’heure actuelle, l’Union européenne n’a toujours pas adhéré à la CEDH. Ce refus est motivé par l’avis 2/13 négatif rendu par la Cour de justice de l’UE le 18 décembre 2014.
– Avis dans lequel la Cour identifie des incompatibilités qui empêchent l’adhésion de l’UE à la CEDH. Elles sont au nombre de sept :
Incompatibilité n°1) La possibilité de voir le droit de l’UE être interprété par la Cour européenne des droits de l’Homme 👉 le droit de l’UE ne peut être soumis à un contrôle externe, le droit de l’Union européenne étant un droit autonome
Incompatibilité n°2) L’adhésion à la CEDH irait à l’encontre du principe de confiance mutuelle entre les États membres posé par l’UE 👉 dans le système de la CEDH, il est exigé des États membres qu’ils vérifient le respect des droits fondamentaux d’un autre État membre
Incompatibilité n°3) Lié à la question du renvoi préjudiciel. Il est possible de saisir la Cour EDH afin que celle-ci interprète une disposition du droit interne 👉 pourrait conduire à une interprétation du droit de l’UE. Or ce droit est autonome.
Incompatibilité n°4) La saisine de la Cour européenne des droits de l’Homme 👉 contreviendrait à l’obligation de coopération loyale qu’ont les États membres de l’Union européenne (la CJUE est l’unique juridiction pouvant statuer sur le droit de l’Union)
Incompatibilité n°5) Mécanisme du codéfendeur 👉 une décision portant sur la répartition entre l’Union et ses États membres de la responsabilité d’une violation de la CEDH repose sur une « appréciation des règles du droit de l’Union régissant la répartition des compétences » entre l’UE et ses États membres. Ainsi, la Cour EDH ne peut statuer sur la répartition des compétences entre l’UE et ses États membres.
Incompatibilité n°6) L’adhésion à la CEDH pourrait contrevenir au principe de la compétence exclusive de la CJUE 👉 conformément à la procédure d’implication préalable, la CJUE peut se prononcer préalablement sur un acte de l’UE faisant l’objet d’une procédure devant la Cour EDH. Le soucis étant que cette procédure ne permet pas à la CJUE de se prononcer sur le droit dérivé de l’UE lorsque celui-ci est mis en cause. Ainsi, cela contrevient à sa compétence exclusive.
Incompatibilité n°7) Le contrôle juridictionnel qu’aurait la Cour EDH en matière de Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) 👉 le contrôle de la Cour EDH serait plus large que celui de la CJUE. Cette dernière n’ayant compétence, en matière PESC, que pour annuler des actes à portée individuelle.
Au vu de ces diverses constatations, l’avis de la CJUE quant à une adhésion de l’UE à la CEDH fut négatif. L’accord portant adhésion que l’UE à la CEDH en date du 5 avril 2013 a en conséquence été jugé comme incompatible avec l’article 6 paragraphe 2 du TUE.
Un tel refus constitue un frein à la mise en place d’une UE davantage protectrice des droits fondamentaux.
II) Existence de textes protecteurs des droits de l’Homme dans l’UE (inspirés par la CEDH)
L’Union européenne, en tant qu’entité, n’est pas membre de la CEDH. Elle dispose néanmoins de dispositions protectrices des droits de l’Homme (parfois fortement inspirés par la CEDH).
– les principes généraux du droit de l’UE 👉 consacrés par la CJUE (qui se fonde sur des textes internationaux et des traditions constitutionnelles communes aux États membres de l’UE), ils complètent les traités européens et ont une valeur juridique supérieure à celle du droit dérivé de l’Union. Les PGD de l’UE se situent de ce fait au même rang juridique que les traités européens.
⇒ la CEDH a été utilisée par la Cour afin de dégager des principes généraux du droit de l’UE. Cela fut le cas dans l’arrêt Nold du 14 mai 1974 reconnaissant les droits fondamentaux comme faisant partie des principes généraux du droit de l’Union. La CJCE indique pour la première fois dans cet arrêt qu’il s’appuie sur la CEDH et sur des textes internationaux pour consacrer des droits.
– Les valeurs de l’UE 👉 article 2 TUE (respect de la dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, Etat de droit, respect des droits de l’Homme, des droits des personnes appartenant à des minorités).
Le manque de codification de cet article lui porte cependant préjudice 👉 semble davantage être une liste d’idéaux à atteindre plutôt qu’un texte de protection de droits et libertés
– Recours en manquement, recours en annulation, recours en carence 👉 permettent de sanctionner les Etats membres ne respectant pas le droit de l’Union (comprend les droits fondamentaux et libertés)
– La Charte des droits fondamentaux 👉 a une force contraignante; inspirée par la CEDH, elle reprend en grande partie les droits et libertés qu’elle protège
La CEDH constitue une source pour la CJUE compte tenu de la liste de droits qu’elle protège et de la jurisprudence qui l’accompagne. Il convient d’ajouter que tous les États membres de l’Union y ont adhéré. Ce texte peut alors se révéler plus complet pour faire respecter les droits fondamentaux et libertés au sein du territoire de l’UE. Ceci en dépit de la non-adhésion de l’UE suite à l’avis C-2/13 de la CJUE de 2014.