En juin dernier, la Hongrie, membre de l’Union européenne, a adopté une loi controversée visant à interdire la promotion de l’homosexualité dans les médias aux moins de 18 ans. Une telle loi constitue une menace pour les libertés et droits de l’Homme. De ce fait, cette disposition est contraire aux valeurs que prônent l’UE. Cependant, celle-ci ne peut pas faire évoluer cette situation dangereuse pour les droits de l’Homme.
En effet, il demeure impossible en pratique pour l’Union européenne de sanctionner une violation de ses valeurs (1) cependant des moyens de pression restent à la disposition de l’UE pour mettre fin à ce type de situation (2).
1) Impossibilité pratique de sanctionner la violation des valeurs de l’Union
– L’article 2 du traité sur l’Union européenne (TUE) 👉 pose les valeurs de l’UE :
- Le respect de la dignité humaine
- La liberté ⇒ menacé par la loi anti LGBT
- La démocratie
- L’égalité ⇒ menacé par la loi anti LGBT
- L’État de droit
- Le respect des droits de l’Homme ⇒ menacé par la loi anti LGBT
- Le respect des droits des personnes appartenant à des minorités
– L’article 7 du TUE concerne quant à lui le mécanisme de sanction des violations faites de l’article 2 du TUE.
Ce mécanisme est cependant impossible à mettre en pratique en raison des alliances politiques existantes entre États membres → la deuxième étape de cette procédure de sanction nécessite l’unanimité du Conseil européen pour constater l’existence d’une violation « grave et persistante » des valeurs de l’Union européenne.
– La Pologne et la Hongrie se sont mutuellement « protégées » durant des procédures de sanctions → leur entente diplomatique empêche cette unanimité d’être atteinte = La principale raison pour laquelle l’article 7 n’a jamais été appliqué jusqu’à présent ⇒ PROBLEME MAJEUR
– Autre possibilité de sanction pour l’Union = le recours en manquement
Son but : sanctionner la non-application du droit de l’Union (non les violations des valeurs).
– L’intérêt de cette sanction = somme forfaitaire ou astreinte ⇒ le recours en manquement constitue la seule procédure permettant de sanctionner financièrement une violation des valeurs de l’Union. En ce sens, cette procédure se distingue de l’article 7 du TUE (n’implique qu’une suspension des droits pouvant aller jusqu’aux droits de vote au Conseil).
❗❗ Il n’est pas possible pour la Cour de juger une violation de l’article 2 du TUE mais seulement de contraindre un État membre à mettre fin à la non-application d’une disposition européenne.
Ce recours est donc compliqué à appliquer pour la sanction des valeurs de l’Union européenne.
– Cependant, le recours en manquement peut permettre de résoudre des situations contraires aux valeurs de l’Union. En effet, la menace d’un recours en manquement a par exemple contraint la Pologne en 2011 à se conformer à la directive 2000/43/CE imposant aux États membres de l’UE d’interdire toute discrimination basée sur la race et l’origine ethnique.
2) Seule solution : utiliser l’article 7 comme moyen de pression
– Dans ce type de situation souvent rencontré dans le passé avec la Pologne, la Hongrie ou l’Autriche, la solution a souvent été politique plus qu’institutionnelle.
– L’Union européenne, en utilisant la diplomatie, montre sa volonté d’éviter toute crise politique au sein de l’Union. Crise pouvant dégrader son image sur la scène internationale.
– L’UE ne souhaite pas crée un précédent en utilisant l’article 7 du TUE.
→ la menace d’appliquer l’article 7 du TUE vise à dissuader l’État membre de transgresser les valeurs de l’Union. Jusqu’à présent, cette menace n’a jamais été mise à exécution. Ainsi, l’article 7 constitue une arme de dissuasion.
– Le cadre pour l’État de droit permet aussi une possible solution face aux violations des valeurs de l’UE.
Dans ce mécanisme, après avoir dialogué avec l’Etat membre concerné et lui avoir adressé des recommandations, l‘article 7 est utilisé comme ultime recours, la Commission fait ainsi de cet article « une arme nucléaire ».
👉 En 2017, cette menace de la Commission d’appliquer l’article 7 du TUE et le mécontentement populaire ont contraint la Pologne à retirer une loi controversée donnant au ministre de la Justice les pouvoirs de révoquer les juges de la Cour suprême et de constituer une nouvelle Cour.
Par conséquent, le cas polonais démontre que la menace de mettre en œuvre l’article 7 du TUE constitue un moyen plus efficace de lutter contre les violations des valeurs de l’Union.
Le cadre pour l’État de droit ⇒ une solution intermédiaire entre le recours en manquement et l’article 7 du TUE.
– Un autre paramètre important est l’aide que constitue l’Union européenne pour les États membres non respectueux de ces valeurs.
👉 Les pays d’Europe centrale en désaccord avec l’Union restent convaincus que l’Union européenne constitue une aide indispensable pour leur développement économique.
👉La Hongrie ne souhaite pas quitter l’UE en raison des fonds structurels qu’elle lui verse, fonds représentant 3 % du PIB hongrois. Par conséquent, à chaque fois que l’UE menace d’appliquer l’article 7, la Hongrie tente d’apaiser les tensions ⇒ possible solution
– La menace d’appliquer l’article 7 du TUE peut constituer la solution la plus adaptée à ce début de tension avec la Hongrie.
« Pourquoi l’UE ne peut pas interdire à la Hongrie sa loi anti LGBT ? »
Le titre mériterait de clarifier ce qu’on entend par « UE » et par « interdire ».
On peut imaginer que la CJUE dise pour droit, faisant suite à une procédure préjudicielle, qu’il appartient au juge national d’écarter l’application des dispositions de la loi LXXIX de 2021 qui sont contraires aux droits consacrés par la Charte (l’article 11, p.ex., dans une moindre mesure, l’article 14), en particulier le §3 de la loi nationale qui amende la loi XLVIII de 2008 relative aux conditions fondamentales de l’exercice de l’activité publicitaire.
Concernant le titre de cet article, quand je mentionne l’« UE », je fais référence aux principales institutions de l’UE qui participent au mécanisme de l’article 7 TUE.
Pour ce qui est du terme « interdire », j’évoque la possibilité pour les institutions de l’UE de contraindre la Hongrie à abroger cette loi.
Enfin, concernant la Charte des droits fondamentaux, vous avez raison, la Cour l’utilise pour protéger les droits et libertés au sein du territoire de l’UE, les rédacteurs de ce texte se sont d’ailleurs fortement inspirés de la CEDH pour son contenu. Cependant, les recours préjudiciels et autres recours en manquement n’empêchent pas les États membres contestataires de violer à nouveau le droit de l’UE (et la Charte des droits fondamentaux). Il existe donc une « crise » des valeurs au sein de l’UE. Les valeurs de l’article 2 du TUE sont alors au centre des récentes tensions entre l’Union et la Hongrie.