Comment la crise en Afghanistan remet au centre le projet d’une force armée européenne

Josep Borrell, Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
Josep Borrell, Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
Photo: Safin Hamed

La récente crise afghane qui a vu la prise de pouvoir des talibans a mis en avant les carences des grandes puissances mondiales telles que les États-Unis dans l’évacuation de leurs ressortissants. Elle a aussi permis à la communauté européenne de constater (à nouveau) les manques de l’Union européenne dans le domaine de la défense. Celles-ci ont déjà été perceptibles lors de la guerre en ex-Yougoslavie durant les années 1990.

Une réunion comprenant les ministres de la Défense des États membres de l’UE a donc eu lieu le 2 septembre dernier afin de discuter des problématiques à résoudre et des options qui s’offrent à elle.

I) Echec et carences de la défense de l’UE

L’Union européenne depuis le traité de Maastricht signé en 1992 ne se limite plus seulement au domaine économique. Elle a aussi un ressort politique, ce qui implique une politique de défense commune.

A cet effet, la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) a été mise en place. Celle-ci est menée par le haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borrell. Le Traité sur l’UE mentionne que l’objectif à terme est d’obtenir une défense commune à l’Union.

Nous en sommes très loin. Voici pourquoi :

– Premièrement, le domaine de la défense présente plus ou moins d’importance selon l’État membre concerné.

Pour les États de l’Ouest, les dépenses militaires restent mineures en l’absence de menaces pour leurs territoires. Par contre, pour les États membres d’Europe de l’est, la question de la défense est primordiale 👉 veulent rester forts face au voisin russe

De ce premier problème découle le reste des blocages liés à la question militaire.

En effet, la PESC inclut un volet sur la « défense commune ».

Celui-ci prévoit que les décisions portant sur la défense seront prises par le Conseil européen à l’unanimité de ses membres 👉 est un problème majeur vu la divergence d’intérêt, de budget et de situation géopolitique qu’il peut y avoir entre États membres de l’Union

– L’action de l’Union en matière de défense commune 👉 ralentie voir souvent inexistante compte tenu de cette nécessité d’obtenir l’unanimité du Conseil européen. De plus, les États de l’est privilégient l’option OTAN afin de se protéger. La défense américaine étant plus importante et efficace par rapport à celle que l’Union européenne souhaite mettre en place.

– Ainsi, la situation afghane a mis en lumière ce manque de force militaire européenne et la domination américaine. Les avions américains étant plus aptes à évacuer un grand nombre de ressortissants.

👉 Les Etats membres de l’UE manquent de moyens matériels comparé aux Etats-Unis afin d’intervenir dans des situations d’urgence

– Nous pouvons ajouter que des projets de groupements d’intervention ont échoué par le passé. L’UE avait présenté ce projet sous impulsions britanniques et françaises suite à la guerre en ex-Yougoslavie. Conflit dans lequel le manque de réaction de la communauté européenne avait choqué.

– Ce nouvel échec pour la politique internationale de l’Union a donc conduit à la réunion du 2 septembre dernier.

II) La majorité : une solution plausible ?

A l’issue de cette réunion, le haut représentant Borrell a reconnu les failles de l’UE en matière de défense.

Il a affiché sa volonté d’éviter d’être dépendant de la superpuissance américaine sur le plan militaire.

– La proposition a été faite de mettre en place une force de 5000 hommes prête à intervenir en cas de situation d’urgence 👉 force d’action rapide est nécessaire

D’autres proposent que des états volontaires puissent envoyer des troupes si la majorité l’emporte, afin de contourner l’unanimité voulue pour les groupements tactiques 👉 fera l’objet de débats lors de la réunion prochaine du 16 novembre

« L’Afghanistan a démontré que nos retards en matière d’autonomie stratégique ont un coût et que la seule manière de progresser est de combiner nos forces et de renforcer non seulement nos capacités, mais aussi notre volonté d’agir »

Josep Borell, Haut représentant de l’UE pour les affaires etrangères et la politique de sécurité

– Il est essentiel pour l’Union de proposer un projet qui pourra contrer l’hégémonie américaine afin de rallier les pays de l’est à leur cause. Ceci est donc un projet stratégique d’envergure pour l’Union européenne et sa place sur la scène internationale.

Ce projet aura donc pour but de contrer l’OTAN et de rassurer les Etats membres de l’est face aux menaces extérieures.

– Une piste envisagée serait d’opérer en dehors de l’institution Union européenne 👉 le Royaume-Uni peut s’avérer un allié utile matériellement, stratégiquement et surtout financièrement dans ce projet de défense à enjeu.

Le Royaume-Uni étant le pays du continent européen donnant le plus de budget à son ministère de la défense. De plus, il partage la volonté de ne pas dépendre des Etats-Unis militairement (d’après Shashank Joshi, Spécialiste des questions de défense dans l’hebdomadaire britannique The Economist).

– Le 16 novembre prochain aura lieu une nouvelle réunion afin de concrétiser ce projet de force armée commune.

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